FORMATION MAF : un apprenti devient entraîneur puis membre du jury
Lauréat du concours Un des meilleurs apprentis de France (MAF), Robin Alazard, ancien élève en CAP puis bac pro aménagements paysagers à la Maison familiale rurale Le Grand Mas, à Uzès (30), a franchi les étapes des épreuves locales et nationales. Soucieux de transmettre, il a souhaité à son tour coacher puis juger.
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Nous avons déjà beaucoup écrit sur les Olympiades des métiers - compétition bisannuelle et par binômes - qui s'adressent aux jeunes de moins de 23 ans l'année des épreuves mondiales. Un autre concours - annuel et national celui-ci - mobilise les apprenants volontaires : Un des meilleurs apprentis de France (MAF), pour celles et ceux qui, en formation par apprentissage, ont jusqu'à 21 ans et ne sont pas en cursus scolaire de niveau III, à savoir BTS (Le MAF concerne les CAP et bac pro mélangés). Pour le MAF « aménagements paysagers » (AP), ils concourent en individuel. Le parcours débute souvent par un appel à volontaires provenant d'un enseignant ou moniteur, ou par le bouche à oreilles entre élèves.
En 2013, Stéphane de Raffin, professeur en AP à la MFR d'Uzès, avait détecté la motivation de quelques élèves de 2e année de CAP. « Nous nous sommes inscrits à quatre copains et encouragés », se souvient Robin Alazard qui poursuit : « Nous n'avions pas particulièrement l'esprit de compétition mais juste envie d'apprendre plus. Mon ami de classe, Gontran Schamber, avait été particulièrement encouragé par Frédéric Faure, Meilleur ouvrier de France en 2011 (et lui-même ex-élève de notre MFR), chez qui il était stagiaire. Motivés, nous nous sommes beaucoup entraînés. » Et de la motivation, il en faut car si les bases techniques sont étudiées en classe, les entraînements se passent en dehors des cours, les soirs, et les samedis.
Mais c'est payant ! « Lors des premiers essais et entraînements techniques, je n'étais pas au point. Mon point fort, c'était la théorie, les matières scientifiques... Mais j'ai persévéré et les déclics ont eu lieu pendant le premier concours. Il n'y a qu'en pratiquant qu'on intègre les difficultés et contraintes de notre métier et celles du concours. Au fil des participations, j'étais de plus en plus confiant », explique Robin Alazard. Après une première tentative au national en 2013, le jeune homme a obtenu sa médaille d'or nationale en 2014. Il est devenu Meilleur apprenti de France) à 20 ans. « Il faut obtenir 18/20 », note, admiratif, son professeur Stéphane de Raffin, qui poursuit : « Et les lauréats vont au Sénat chercher leur médaille. » Pour Robin Alazard, médaillé en septembre 2014, les ors de la République lui ont été ouverts en mars 2015... Il faut savoir être patient.
La passion de la transmission
Pour réussir le concours Un des Meilleurs apprentis de France, il faut réunir plusieurs ingrédients : des candidats, des enseignants ainsi que des coachs entraîneurs professionnels. Paysagistes, ces derniers donnent de leur temps plusieurs fois par an pour apporter leur regard.
Dès 2014, alors qu'il montait progressivement son entreprise de paysage, Robin Alazard s'est investi à son tour dans l'entraînement des candidats. « C'est un vrai plaisir d'entraîner, de transmettre ce que l'on a acquis à des jeunes motivés. Même si, comme moi, ils éprouvent des difficultés au départ, ils font preuve de ténacité. Ensemble, nous suivons un beau parcours, qui mène parfois à gagner le titre », ce que confirme son ancien professeur. Tous deux expliquent comment ils prennent à coeur leur rôle : « Vers septembre-octobre, nous essayons de détecter les compétences, les défauts, et les marges de progression possibles chez les jeunes volontaires. La motivation est le principal critère de sélection. Les jeunes doivent apprendre et s'entraîner sur les bases : le piquetage de la parcelle via les triangulations est capital car il faut délimiter la scène qui sera ultérieurement paysagée. Beaucoup de pratique est nécessaire pour faire vite et bien. Il faut être méthodique, organisé, soigner son travail (maçonneries, plantations, gazons, paillages...) et apporter sa touche personnelle. Mais sur une journée d'épreuves, il est rare de pouvoir tout faire. » Parallèlement, les candidats se préparent individuellement aux épreuves théoriques. Ils doivent savoir répondre à des questions sur le métier, reconnaître et identifier en latin une vingtaine de végétaux parmi une liste.Quand il était candidat aux MAF, Robin Alazard avait son père, Pascal, pour coach. Jardinier-paysagiste, qui quitte son entreprise pour accompagner et entraîner les jeunes durant les compétitions, régionales et surtout nationales, un déplacement de 3 à 5 jours... « Nous sommes bénévoles, mais c'est normal, c'est un état d'esprit, affirme Pascal Alazard. Nous ne poussons pas nos jeunes pour la gloire, mais parce que nous avons la passion de la transmission de notre métier. Et parce que nous sommes des passionnés. Nous expliquons le pourquoi des gestes professionnels, les enjeux de bien mener une compétition dans un temps donné. Nous essayons d'aider les candidats à se dépasser au moment des compétitions. C'est une histoire d'individus et de bonnes volontés. Et puis nous partageons généralement quelques bons moments une fois l'obtention des médailles... »
Les élèves respectent plus que tout les paysagistes entraîneurs. Stéphane de Raffin, le p rofesseur, le confirme sans éprouver aucune jalousie, bien au contraire : « C'est mieux d'êtres plusieurs adultes. Nous pouvons parfois donner plusieurs façons de faire ; aux élèves candidats de choisir ensuite celle qui leur convient, pourvu que le résultat soit là. Et puis, les jeunes sont souvent un peu allergiques à un cours classique. Quand un professionnel se déplace, ils l'écoutent différemment. Dans ces moments-là, je me mets en retrait. L'objectif de notre métier est de transmettre les fondamentaux et de donner l'envie d'apprendre, pas de se faire aimer. »
Pour la reconnaissance des végétaux, certes, il y a bien les cours, les diaporamas, les vidéos (*) mais rien ne vaut le travail personnel et l'observation in situ. « Nous nous complétons du point de vue des connaissances etde l'approche pédagogique. Notre objectif, c'est d'aller au-delà de la course à la médaille.C'est de permettre le mieux possible que la personnalité de nos jeunes puisse s'exprimer, pour qu'ils se démarquent. Nous aimons vraiment l'état d'esprit de ce concours Un des meilleurs apprentis de France », assure Stéphane de Raffin.
Dès 2015, repéré par ses pairs, Robin Alazard, l'ancien élève devenu entraîneur, a été proposé et accepté pour devenir juge au niveau régional (Languedoc-Roussillon), puis dès 2016 en tant que membre du jury national. « Il est calme, juste, précis... », note Stéphane de Raffin. Ces jours-ci, tous vont se rendre à Bellegarde, près d'Orléans (45), pour accompagner, soutenir et motiver leur candidat 2017, à savoir Gweanaël Favas, qui concourre au MAF national les 29 et 30 septembre. Robin Alazard ne pourra toutefois pas le juger mais assurera le rôle d'entraîneur.
Robin Alazard n'exclut pas, un jour, de travailler lui-même sur une oeuvre et de tenter le titre de Meilleur ouvrier de France (MOF). C'est une étape supplémentaire de progression possible. Il faut avoir 24 ans, un bon projet, et beaucoup de temps et de compétences, car il s'agit alors de réaliser une oeuvre pérenne, sur un an, en solo. « À 14 ans, je voulais travailler comme artisan, et exercer obligatoirement un travail manuel. J'avais choisi l'ébénisterie, et le travail du bois, surtout le noyer. J'étais chez les Compagnons mais j'étais trop jeune. Si j'avais eu 18 ans, j'aurais fait mon Tour de France. Aujourd'hui, la création paysagère est ce qui me plaît le plus, mais je garde toujours une affection, et une utilisation particulière du bois, dans les bordures, dans les parements de fontaines... » Peut-être un jour se lancera-t-il dans l'oeuvre de sa vie, y mêlant bois et plantes, pour devenir alors « Un des Meilleurs ouvriers de France »...
Odile Maillard
Automne 2014 : Robin Alazard concourait pour le titre national MAF au sud de Paris. PHOTO : STÉPHANE DE RAFFIN
Le jury au travail, lors de l'épreuve nationale en 2016. En deux ans, Robin est passé de lauréat à juge, tout en restant entraîneur régional. PHOTO : STÉPHANE DE RAFFIN
Quentin Privat (à gauche) a gagné son titre national MAF, à Blanquefort (33), l'an dernier. À ses côtés : François Rigo (MOF paysagiste), Robin Alazard, membre du jury, Stéphane de Raffin, professeur en aménagements paysagers à Uzès (30). PHOTO : MFR UZÈS
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